Des stratégies psychologiques moins coûteuses

2020-08-21

Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue

Dans mon texte précédent, j’abordais l’idée qu’à chaque instant de notre vie, des pensées et des émotions s’activent en nous en fonction de ce que nous sommes en train de vivre, et quand ce qui s’active est inconfortable, on peut avoir tendance à s’en défendre psychologiquement en utilisant des stratégies pour tenter de gérer cet inconfort émotionnel. Nous avons vu comment certaines de ces stratégies peuvent être coûteuses psychologiquement, car leur utilisation requiert beaucoup d’énergie et elles parviennent difficilement à amoindrir la charge émotionnelle.

Mais d’autres stratégies psychologiques moins coûteuses existent! Des stratégies qui permettent un mouvement d’ouverture aux contenus émotionnels inconfortables, tout en limitant l’impact de ces contenus. Elles nous permettent d’être davantage en contact avec nos pensées et nos émotions, sans être débordés émotionnellement. Ces stratégies permettent d’amoindrir la force de la charge émotionnelle, ce qui sera moins épuisant.

Je vous présente ici quelques-unes de ces stratégies.

Réinterprétation. Une de ces stratégies est de réinterpréter le sens d’une situation difficile. Par exemple, je suis très triste à la suite du décès d’un être cher et je tente de changer le sens de cette perte en me disant qu’il est décédé paisiblement en faisant ce qu’il aimait. Je ne nie pas la tristesse que la perte active en moi, mais je cherche à l’apaiser en envisageant une autre perspective.

Encouragement positif. Une autre stratégie est d’adoucir une réalité difficile émotionnellement. Par exemple, je réalise que je me sens coupable d’avoir alimenté un conflit avec mon ami mais je m’encourage en me disant que le conflit ne va pas durer et qu’on arrivera à se reparler. Je ne change pas mon interprétation de la situation elle même, mais je tente d’apaiser ma culpabilité en me rassurant que notre lien est solide.

Se centrer sur le problème. Face à une difficulté, cette stratégie implique de confronter directement le problème en tentant d’identifier des solutions potentielles. Par exemple, j’ai blessé mon conjoint par une remarque critique pendant une dispute avant son départ au travail ce matin. Plutôt que de ruminer en boucle sur cet échange houleux ou d’éviter de lui parler à son retour, cette stratégie a pour objectif de régler le problème directement, par exemple écrire ou téléphoner à mon conjoint pour lui faire des excuses, ou prendre le temps de s’asseoir ensemble à son retour pour en discuter.

Humour. L’humour permet de communiquer des émotions plus difficiles à l’autre, mais sous le couvert de paroles plus faciles à exprimer. Si la blague est faite dans le respect de l’autre, il s’agit d’une manière plus légère de communiquer un message plutôt que de le garder pour soi. Attention, si une remarque humoristique blesse l’autre, ce n’est plus de l’humour.

Affirmation de soi. Exprimer franchement ce qu’on ressent. Cette stratégie me permet de m’ouvrir à mon expérience émotionnelle et de tenter de la mettre en mots pour la communiquer. Gardons en tête qu’il ne s’agit pas de « déverser » à l’autre ce qu’on ressent, mais plutôt de verbaliser notre vécu, nos désirs ou notre point de vue. Il faut aussi éviter d’accuser l’autre. S’affirmer, ce n’est pas un plaidoyer contre l’autre!

Pleine conscience (mindfulness). Lorsque le flot d’émotions et de pensées émergent en soi, on peut aussi tenter de l’accueillir. Prendre conscience de nos réactions physiques (tensions, rythme cardiaque, respiration, sensations), de nos pensées, des images, et des souvenirs qui nous viennent à l’esprit et peu à peu faire de la place aux émotions qui émergent. Les recevoir sans se juger et sans prendre peur, juste les accueillir et noter leur passage. Ça peut paraître simpliste, mais c’est clairement tout un défi par moments! Je vous en parlerai plus en détails dans un éventuel texte.

Élaborer. S’ouvrir aux émotions et aux pensées qui émergent en soi nous permet d’élaborer notre expérience. Décortiquer, se questionner sur nos motivations, réfléchir, « jouer » avec nos pensées, créer des liens entre nos idées, imaginer et mettre en mots nous permet de mieux comprendre ce qu’on ressent. Par exemple, se questionner sur le fait qu’on a tendance à répéter des dynamiques relationnelles similaires (ex. être en relation avec des conjoints contrôlants et se sentir restreint dans son sentiment de liberté et d’émancipation).

Ces diverses stratégies demandent une plus grande capacité à tolérer l’inconfort émotionnel, suffisamment pour permettre de toucher à ce qui est inconfortable. Mais il est possible d’apprendre et de développer certaines de ces stratégies. À force d’efforts pour les utiliser, d’erreurs et d’efforts renouvelés pour s’ajuster, ces stratégies peuvent devenir de plus en plus automatiques, et à la longue il est possible d’y avoir recours de plus en plus spontanément.

Dre Geneviève, psychologue

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