Nos souvenirs nous influencent

2020-07-14

Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue

On entend souvent dire qu’on porte notre passé. Qu’il est difficile de se défaire de notre passé. À l’image d’un fantôme, le poids du passé nous hante et nous colle à la peau.

En effet, on comprend aujourd’hui que nos comportements sont influencés par nos souvenirs, donc par la façon dont on a emmagasiné en nous les expériences de notre vie. Lorsque je vis un événement, j’encode dans mon cerveau les détails de l’événement, mais aussi mes émotions qui y sont rattachées. C’est ainsi que notre passé s’inscrit en nous.

Mais nos souvenirs ne sont pas enfermés à double tour dans un coffre, isolés et sans aucun effet! Au contraire, ils sont animés, bien vivants. Les objets que je vois, les situations que je vis, les odeurs que je sens, les textures que je touche et mes sensations physiques activent constamment des souvenirs en moi. Et avec eux toutes les émotions qui y sont rattachées. En s’activant, mes souvenirs vont influencer comment je me sens maintenant et comment je vais réagir aux nouvelles situations rencontrées.

Ce qui est fascinant, c’est qu’au-delà des souvenirs qu’on saisit au passage, d’autres souvenirs s’activent en nous dans une large part sans qu’on en prenne conscience. Mais leur effet émotionnel est tout aussi puissant une fois réactivés, même si on n’en voit pas l’effet directement.

Par exemple, un homme commande une tarte aux fraises et rhubarbe au restaurant avec son amie. Le goût des premières bouchées lui rappelle le goût de la tarte que sa mère cuisinait lors des occasions spéciales. La conversation de l’homme avec son amie continue, mais au fil des bouchées, plusieurs souvenirs se réactivent en lui, sans même qu’il en soit vraiment témoin : sa mère cuisinant les tartes, les disputes familiales, ses promenades à vélo qui lui permettaient de fuir les tensions, et ce fameux soir lors duquel ses parents avaient pris la décision de se séparer. À certains moments pendant la conversation, une vague image d’une fraction de seconde d’un de ces souvenirs lui vient à l’esprit. Pour d’autres, il n’en prendra même pas conscience Toutefois, l’homme devient plus irritable dans la suite de l’échange avec son amie. Ni son amie ni lui n’ont pris conscience de ce qui s’est passé et pourquoi la conversation est plus tendue. Le poids des souvenirs est venu teinter les émotions et les comportements de l’homme.

J’ai délibérément choisi en exemple une situation simple pour montrer la force de nos souvenirs; imaginez quand la situation est plus complexe et plus chargée émotionnellement que de manger une tarte, comme de vivre un accident, un rejet, une dispute, un décès ou une catastrophe naturelle! C’est une foule de souvenirs qui sont réactivés en nous à partir de cette situation et qui nous influencent.

Malgré tout, on n’est pas condamné à porter le poids de son passé et à rester emprisonné dans la toile de ses souvenirs. On comprend aujourd’hui que nos souvenirs peuvent être réinterprétés afin qu’ils pèsent moins lourd. Lorsque les souvenirs se réactivent aujourd’hui, ils ont l’occasion d’être revécus dans un contexte différent, ce qui offre la chance de les réinterpréter en fonction de nouveaux éléments et d’en diminuer la charge émotionnelle. D’où l’importance de ne pas fuir son passé, mais d’y prêter attention lorsqu’il resurgit et de l’apprivoiser. Pour revivre son passé autrement et y donner un sens différent. Ceci méritera l’attention d’un texte entier, car il y a beaucoup à dire à ce propos.

Nos souvenirs nous influencent aujourd’hui, ils continueront de nous influencer demain. Le but n’est pas de craindre notre passé ni de le nier, mais plutôt de se construire avec lui.

Dre Geneviève, psychologue

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