Apprivoiser ses émotions

2020-10-20

Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue

Colère. Tristesse. Honte. Culpabilité. Impression d’être rejeté. Joie. Ennui. Découragement. Anxiété. Peur. La liste est longue.

Nos états émotionnels fluctuent au rythme de ce qu’on vit au quotidien.
On peut se sentir happé par nos émotions. Tellement bouleversé par nos émotions qu’on ne peut les tolérer. On peut préférer s’en couper ou les tasser pour ne pas les ressentir.

Mais au fond, à quoi ça sert une émotion?
Une émotion, c’est un SIGNAL.
Un signal que je suis en train de vivre quelque chose et que je dois m’y attarder.
Décortiquons ensemble quelques-unes de ces émotions.

Si je me sens TRISTE, c’est que je suis confronté à une PERTE.
Perte d’un être aimé, de liens avec des proches, d’un objet, d’un statut, d’un poste, d’une situation que j’appréciais, d’un emploi, d’un milieu de vie, d’une partie de mon autonomie physique, d’une période de ma vie qui est maintenant derrière.
Ma tristesse m’indique que j’ai perdu « quelque chose » et que ça me manque. Que j’ai un deuil à faire. Même si la perte était choisie (ex. déménagement, changement d’emploi ou séparation), je perds des aspects qui pouvaient être importants pour moi.
Ma tristesse me permet de m’arrêter, de connecter avec ce qui me fait mal dans cette perte, de voir ce que ce « quelque chose » comblait en moi et de réfléchir à comment je peux le combler autrement à partir de maintenant.
Exprimer ma tristesse ouvertement me permet aussi de recevoir le soutien dont j’ai besoin en ce moment de deuil.

Si je me sens en COLÈRE, c’est que je sens que j’ai subi une INJUSTICE.
J’ai l’impression qu’on m’a enlevé quelque chose, qu’on a pris la place que je devais avoir, qu’on ne me reconnaît pas dans ce que je suis ou dans ce que j’ai à proposer.
Ma colère m’indique que je me sens désavantagé, mis de côté, lésé.
Ma colère me permet d’agir pour changer la situation, pour faire valoir mon point de vue et corriger une injustice.
La colère peut ainsi être un puissant moteur de changement!
Elle est une source inestimable à laquelle on peut puiser, une force créatrice puissante.

Si j’ai PEUR, c’est que je sens une MENACE.
La peur nous permet de nous mobiliser, d’agir pour faire face à une menace. Si je suis dans une situation inquiétante, je vais me mobiliser pour me défendre ou pour m’éloigner du danger. Il arrive que la peur nous fige, nous empêche d’aller de l’avant. Que la menace soit réelle ou non, je crains pour ma propre survie ou mon intégrité. Je peux aussi devenir anxieux à l’idée de faire face à une future situation que je juge menaçante (ex. être anxieux à l’idée de parler en public par peur d’être jugé et rejeté).
Ma peur est un précieux signal qui m’informe de risques potentiels d’une situation.
La peur permet de s’ajuster, d’aller chercher les ressources pour faire face à la situation et diminuer les risques perçus.

Pensons aussi à la CULPABILITÉ. Si je me sens coupable, c’est que je CRAINS DE PERDRE l’autre. J’ai l’impression d’avoir posé un geste qui a offensé ou affecté une autre personne. J’ai peur que ça mette ma relation avec l’autre à risque. Ma culpabilité est un signal qui me motive à réparer mon geste offensant pour rester en lien avec l’autre.

Il n’est pas facile d’être en contact avec ses émotions. Ça peut être souffrant, effrayant même. Mais on peut tenter de les apprivoiser. À force d’entendre notre émotion, de la regarder, de la ressentir et de la penser, elle sera moins intense que ce qu’on anticipait.
On survit à nos émotions.
Mais on peut ne pas survivre si on reste dans la peur et qu’on enfouit nos émotions tout au fond de nous.
Ce sont nos émotions qui nous permettent de survivre, de nous adapter chaque jour. On doit tendre l’oreille aux bruits émotionnels enfouis. Peu à peu. Pour les apprivoiser.

Nos émotions nous informent sur ce qu’on est en train de vivre, sur comment on vit une situation et comment on peut y faire face.

Je vous propose de vous écouter un instant. Ici et maintenant.
Restez silencieux 4 minutes. Éteignez votre écran et coupez toute source de distraction. Fermez vos yeux.
Ça peut sembler simple, mais c’est tout un défi.
Pendant ces 4 minutes, vous utiliserez sans doute certaines stratégies pour vous couper des sensations et des émotions inconfortables qui émergent. Vous vous sentirez irrité de faire cet exercice et vous aurez envie d’arrêter, vous ressentirez de l’ennui, vous voudrez allumer la télévision ou encore vous vous lèverez pour aller ouvrir le frigo ou vous servir un verre. Bien malgré vous, vous résisterez à vraiment faire l’exercice. C’est à ces mouvements de résistance que vous serez confronté en premier. Écoutez ces mouvements, vos envies d’arrêter et votre irritation face à l’exercice.
Continuez. Restez attentif à ce qui se passe en vous : sensations physiques, tensions, images, pensées.
Prenez le temps d’écouter ce qui émerge. Pour apprivoiser ce qui s’active. Peu à peu. Essayez de tolérer. Pour rester en contact.

C’est un bref exercice qu’on peut pratiquer régulièrement, pour apprendre à être en contact avec soi, avec ses émotions.

Nos émotions sont des signaux trop précieux pour nous en priver.
Ils nous permettront de voir plus clair et de nous adapter.
Écoutons ce qu’ils tentent de nous dire!

Dre Geneviève, psychologue

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